15/09/2007

JOE HENRY - CIVILIANS (Anti, 2007)



Plus accessible et moins dense que les précédents Scar (Mammoth, 2001) et Tiny Voices (Anti, 2003), deux des plus grands disques parus ces dernières années, Civilians, le nouveau disque de Joe Henry est assez décevant. Dans les interventions des musiciens, la qualité de la production (Joe Henry, Craig Street) et celle du songwriting de Henry, se trouvait la quasi-perfection des deux disques précédents. Ici, ces détails qui habitaient le bien nommé Tiny Voices ont quasiment disparu au profit d'un accompagnement de mandoline assez fatiguant sur plusieurs titres.
Vous voudrez bien d'un autre coupable ? Si de la guitare de Bill Frisell s'échappent des notes toujours magnifique, il semble en retrait(e?!) sur ce disque et sa contribution aux albums de différents chanteurs folks américains ces dernières années n 'est pas toujours d'un interet majeur. Les derniers à avoir profité du talent de Frisell étant Vic Chesnutt sur Ghetto Bells (NewWest, 2005) (le morceau Forthright notamment) et Lucinda Williams sur "West" (LostHighway,2007).
Mais revenons à Civilians. La chanson titre qui ouvre l’album est, malgré une intro très "Madeleine Peyroux» plutôt pas mal. Suit Parker’s Mood à laquelle on préfèrera le morceau de Charlie Parker, puis Civil War, un peu indigeste.
On croit tenir quelque chose avec Time Is a Lion et son intro bluesy, mais on est vite refroidi par un refrain qui manque réellement de finesse.
You Can’t Fail Me Now me plait aussi peu que la version de Loudon Wainwright III sur son dernier disque Strange Weirdos et qui est d’ailleurs à peu de choses près la même (le même morceau et les mêmes musiciens, forcément...).
Pour les meilleurs moments, on écoutera Scare Me To Death, Our Song, le superbe Love Is Enough, et I Will Write My Book avec Van Dyke Parks au piano. God Only Knows termine le disque sur une note sombre mais superbe. On soulignera sur ce dernier titre le très bel accompagnement du batteur Jay Bellerose, formidable tout au long de l'album. Malheureusement, c'est souvent trop long, trop lent, comme sur Wave ou Shut Me Up et l’on sort du disque fatigué par l'accompagnement de Greg Leisz à la mandoline.
Dans une interview, on peut lire Joe Henry s'exprimer sur la magnifique photo de John Cohen qui illustre le disque : « on ne sait pas si la fille se dirige vers un mariage ou un enterrement ». C’est un peu le sentiment qu’on a après Civilians. Ni totalement déçu, ni vraiment enthousiasmé, on continuera encore un peu la route, histoire de voir...
Et l'on verra Joe Henry interpréter les chansons de Civilians dans l'émission "Morning Becomes Eclectic" sur la radio de Los Angeles KCRW.
Taper "Joe Henry" dans le moteur de recherche de l'émission et comparer avec sa prestation en 2003 pour l'album Tiny Voices.
Au plaisir.

13/09/2007

TOUT LE MONDE EN PARLE, Fred Neil

Spadee Sam presents - Shake Sugaree, a Fred Neil Mix (clique gauche pour l'audio)

01 - Fred Neil - Everybody's Talking
02 - Fred Neil - Green Rocky Road
03 - Fred Neil - That's The Bag I'm In
04 - Fred Neil - Come Back Baby
05 - Fred Neil - Prettiest Train
06 - Fred Neil - Please send me Someone to Love
07 - Fred Neil - Faretheewell
08 - Tim Buckley - Dolphins
09 - Mark Lanegan - Ba-dee-da
10 - Sid Selvidge - Shake Sugaree
11 - Elizabeth Cotten - Shake Sugaree

Dans « Le Monde » du 26 juillet 2007, la journaliste Véronique Mortaigne rendait compte du concert de Joe Sample, et de la chanteuse Randy Crawford, au festival de jazz de Nice. Cette dernière y interprétait Everybody’s Talking qui, d’après l’auteur de l’article, est signée Harry Nilsson.
Rendons à César ce qui lui appartient, c’est Fred Neil qui compose et chante Everybody’s Talking en 1966, sur l’album Fred Neil (Capitol).

Si l’envie vous prend de découvrir cet extraordinaire chanteur, procurez vous l’excellent double disque The Many Sides of Fred Neil paru en 1998 chez Collector’s Choice Music, sous-division d’EMI.
On y trouve les albums Fred Neil donc, mais aussi Sessions paru en 1967, ainsi que Other Side of This Life, album live de 1971. Quelques enregistrements inédits complètent le second disque.

Si The Dolphins, Everybody’s Talking ou That’s The Bag I’m In sont les meilleures chansons de Fred Neil, Faretheewell (Fred’s Tune)» et «Cynicrustpetefredjohn Raga» sont celles qui retiendront notre attention sur ce premier album. Faretheewell, composée par John et Alan Lomax, c’est un peu Johnny Cash chanteur de soul sudiste qui nous raconterait qu’ « autour de son cœur, tout n’est que douleur ». Merveilleux.
La seconde est une jam-ragga orientale avec entre autre l’harmoniciste Al Wilson (du groupe Canned Heat), et qui n’a rien à voir avec tout ce qui lui précède sur le disque.
Mais c’est assez normal pour Neil. Comme Tim Buckley, son plus grand disciple, Fred Neil semble en permanence vouloir dire « Vous êtes bien gentils, je vous ai chanté de jolies chansons, on va pouvoir maintenant faire un peu de musique ». Et quand on les laisse faire Neil ou Buckley père, ne pas s’attendre à des tubes radio.
Sessions débute avec Please Send me Someone to Love du chanteur Percy Mayfield, un blues extraordinaire ou la voix de Neil se bat en duel avec la contrebasse. Montez les basses à fond et tremblez.
Mieux ne vaut pas être seul en pleine nuit pour écouter Merry Go Round et Look Over Yonder. Difficile de faire moins drôle, mais cette voix mes amis, six pieds sous terre, du blues ni noir ni blanc, juste du blues. Ses « hmm hmm » ponctuant les solos de guitares sont vraiment impressionnants de gravité.
Ces Sessions se terminent par les énergiques Looks Like Rain et Roll On Rosie, deux jams sous caféine, ou l’ambiance semble être bien détendue en cette heure qu’on devine tardive. La voix de Neil est au sommet en crooner folk-blues menant là ou il le souhaite sa petite équipe.

Other Side of This Life est un concert de 1971 et débute tranquillement par la chanson titre avant que Neil ne mette la gomme sur Roll on Rosie et s’impose en roi du cool sur That’s The Bag I’m In, Prettiest Train ainsi que Come Back Baby sur laquelle il est accompagné par le pianiste Les McCann. Trois morceaux ou l’interprétation de Neil atteint des sommets. Ba-De-Da voit le retour de son premier partenaire discographique, le chanteur Vince Martin, tandis que sur le sombre Ya Don’t Miss Your Water c’est l’ange noir de la country Gram Parsons qui vient pousser la chansonnette.

Parmi les quelques inédits de fin de disque, December’s Dream est une curiosité, Neil se faisant beaucoup plus sérieux qu’à l’accoutumé sur cette jolie chanson, au point qu’il est difficile de reconnaître sa voix.
Enfin, How Long Blues-Drown In Tears, longue jam blues, renoue avec la veine des Sessions.

Au chapitre héritiers, on notera le Ba-di de Mark Lanegan sur l’excellent I’ll Take Care of you son album de reprises paru en 1999 chez SubPop et sommet de sa discographie, surtout au vue de ses douteuses et récentes collaborations, du genre Isobel Campbell et Soulsavers. Pas d’électro d’ascenseur ou de tapisserie vocale féminine mais de la soul et du blues sec.
En 1968 c’est le chanteur de soul Al Wilson (pas l’harmoniciste de Canned Heat) qui reprend The Dolphins sur Searching for the Dolphins (SoulCity), dont le titre annonce la couleur. Voix hésitante sur des arrangements luxuriants et pompiers, on s’en passera facilement.
Et Tim Buckley ? Avouons-le, la version studio de Dolphins, sur l’album Sefronia (ManifestoRecords) n’est pas terrible. Ca sent déjà le sapin pour Tim.
En revanche la première version live sur le merveilleux Dream Letter, Live in London 1968(ManifestoRecords) est splendide. 12 cordes, guitare électrique, vibraphone et contrebasse accompagnent la voix divine de Tim Buckley qui survole ce morceau pas facile à chanter (« I’ve been searching for the dolphins in the sea … »)
Sid Selvidge, sur The Cold of The Morning (PeabodyRecords, 1972) s’essaye à une imitation de Fred Neil sur I’ve Got a Secret (didn’t We Shake Sugaree) de Elizabeth Cotten. Produit par Jim Dickinson (Sister Lovers de Big Star entre autres), l’ombre de Neil plane tout au long de cet album de reprises comme on les jouait dans les Coffe House de Greenwich Village ou ce dernier était un modèle pour tous les débutants de la scène folk (pour plus d’explications, lire les Chronicles de Bob Dylan…).
On pouvait aussi y voir et entendre le chanteur et guitariste Kenny Rankin qui, quelques mois auparavant, accompagnait Dylan à la guitare sur le morceau Subterranean Homesick Blues et qui en 1967 sortait Mind Dusters (VividSound), son premier disque sur lequel il s'attaquait lui aussi à The Dolphins, plutôt correctement pour être honnête.
C’était une autre époque. Depuis, Fred Neil s’est retiré des affaires courantes, s’occupant en Floride de sa grande passion, les dauphins, avant de s’éteindre définitivement en 2001.

Pour la discographie complète de Neil, voici un lien qui devrait vous satisfaire :

Et comme il le chantait,

« Tout le monde me parle mais je n’entend personne,
Juste les échos de mon esprit… »
(« Everybody’s Talkin’)
Bon voyage ...

08/09/2007

PLAT DU JOUR 1 - Tony Bennett, Stevie Wonder, Chris Whitley, Joe Henry, Jim White, Meshell Ndegeocello, Reverend Beat-Man, Tav Falco, Jon Spencer


Un formidable duo entre Tony Bennett et Stevie Wonder sur For Once in my Life que l’on peut voir sur YouTube. Les deux chanteurs sont extraordinaires avec Stevie Wonder dont la voix est au choix géniale ou éxaspérante, et celle de Tony Bennett, plus douce à chaque écoute.Sur d’autres vidéos moins récentes, on peut le voir interpréter ce meme morceau et c’est à chaque fois un régal.
Un autre morceau ou Bennett est au sommet c’est Poor Little Rich Girl avec l’orchestre de Count Basie, sur l'album Basie Swings, Bennett Sings (Strike Up The Band) chez BlueNote en 1958. La grande classe.

Dans le hors-série des Inrockuptibles consacré à Bob Dylan, à aucun moment il n'est fait mention de Chris Whitley. Pourtant, 4th Time Around sur son disque de reprises Perfect Day (Cargo,2000) est sans doute l’une des plus belles choses qu’on ait faite avec une chanson de Dylan. En trio avec Chris Wood à la contrebasse et Billy Martin à la batterie (du trio new-yorkais Medeski, Martin and Wood), c’est une petite merveille tout en réserve et douceur.
Sur Dislocation Blues (Rounder,2007), album posthume en collaboration avec Jeff Lang, The Road Leads Down, chanté par ce dernier, est dans le meme registre. Au casque, écoutez l'accompagnement vocal de Whitley qui double la voix de l'Australien. Les deux musiciens reprennent aussi superbement When I Paint my Masterpiece et Changing The Guards de Dylan.
J'essaierai de revenir bientot sur l'ensemble de son oeuvre mais en attendant, si vous croisez les disques Hotel Vast Horizon ou Soft Dangerous Shores dans le rayon d'un disquaire, Dieu vous en voudrait probablement d'hésiter plus que nécessaire! Comment a-t-on pu passer tellement à coté d'un tel artiste ?

Joe Henry, Jim White, Meshell Ndegeocello, trois demi-déceptions pour cette rentrée. Forcément, après deux chef-d’œuvres (Scar et Tiny Voices) pour Henry, un (Drill a Hole in That Substrate…) pour White et deux bons albums qui en suivait un troisième sublime ( Cookie,The Anthropological Mixtape) pour la chanteuse et bassiste, cela devait arriver. Par rapport à ces disques, Civilians de Joe Henry, Transnormal Skiperoo de Jim White et The World Has Made me The Man of My Dreams de Meshell Ndegeocello sont donc forcément décevants.
J'en reparlerai plus en détails prochainement.

On peut télécharger un morceau du nouvel album de Reverend Beat-Man sur le site du label suisse VodooRythm. La géniale The Clown of a Town a tout de la chanson parfaite. Poursuivez avec Lie to Me, qui ouvre le dernier Tom Waits, notamment la version avec le guitariste Duke Robillard, sur le plateau du Letterman Show, et disponible sur YouTube.
Ecoutez ensuite les disques de Tav Falco’s Panther Burns, inégaux certes mais ou se cachent quelques pépites, puis le nouvel album de Jon Spencer avec son groupe Heavy Trash. Going Out West with Heavy Trash est excellent et redonnera le sourire pour la rentrée.
Ca devrait etre pas mal…