30/10/2008

CURTIS MAYFIELD - Ep.03 - Movin' On Up, The Music and The Message of Curtis Mayfield and The Impressions

Si vous aimez la musique de Curtis Mayfield, courrez acheter l’excellent DVD « Movin’ On Up, The Music and Message of Curtis Mayfield and The Impressions », paru il y a quelques semaines chez les excellents Reelin In The Years Productions. De ces derniers, on ne saurait également trop vous conseillez l’acquisition des documentaires consacrés à Otis Redding (Dreams to Remember), à Smokey Robinson et ses Miracles (Definitive Performances 1963-1987) ou encore aux Temptations (Get Ready).
Mais revenons à Curtis Mayfield et au DVD qui lui est consacré. Soit deux heures de film alternant interviews passionnantes de Sam Gooden et Fred Cash, ses partenaires au sein des Impressions, de sa femme Altheida, de l’arrangeur Johnny Pate, du leader de Public Enemy Chuck D ou encore du casse-couille mystique Carlos Santana, avec de nombreux clips et performances live des Impressions puis de Mayfield en solo.
Le livret écrit par Rob Bowman est également incontournable pour qui veux tout savoir sur l’histoire de l’un des plus grands songwriters de l’histoire de la musique.

Curtis MayfieldMovin’ On Up, The Music and The Message of Curtis Mayfield

On ne fera pas ici la biographie de Mayfield, que vous devriez trouver facilement un peu partout. Mais parlons musique.
Curtis Mayfield, c’est d’abord une voix. Une voix qui respire le calme et la sérénité ainsi qu’un falsetto immédiatement reconnaissable.
L’arrangeur Johnny Pate parle de ces harmonies dans les aigues sur des morceaux comme I’ve Been Trying et I Need You, devenus la signature des Impressions, tandis que Fred Cash et Sam Gooden évoquent leur sensation sur ces morceaux de surfer chacun sur la voix de l’autre.
On sait également que Jimi Hendrix a été marqué par le jeu de guitare de Mayfield tandis que les textes de ce dernier touchent à de nombreuses reprises au merveilleux.
Si dans la première partie du documentaire consacrée aux Impressions, on se régale des chorégraphies minimales des trois chanteurs et de leurs fabuleuses harmonies sur Choice of Colors ou l’extraordinaire capture live de We’re a Winner, la seconde s’attarde sur la carrière solo de Curtis Mayfield, avec à l’appui des documents passionnants du musicien en concert.
Dans le livret, le critique Rob Bowman écrit que si rares sont les musiciens qui ont laissé leur empreinte sur un style de musique, Mayfield en a lui marqué deux. D’un côté des chansons parfaites avec les Impressions, puis le funk rallongé de sa carrière solo, après 1970 et dont le parfait exemple est le morceau apocalyptique (Don’t Worry) If There’s a Hell Below, We’re all Going to Go. On voit ensuite Mayfield jouer en concert des morceaux comme Keep On Keeping On, We Got To Have Peace, We the People Who are Darker Than Blue ou Give Me Your Love avec un groupe compact dans lequel on relève aux congas le superbe percussionniste Henry Gibson.
Puis viennent les morceaux les plus connus de Mayfield, ceux à l’origine écrits pour la bande originale du film Superfly, Freddie’s Dead, Pusherman, Superfly et cellle qui fait l’unanimité entre l’auteur de ces lignes et l’arrangeur des Impressions Johnny Pate, la merveilleuse et peut-être meilleure chanson écrite par Curtis Mayfield, Eddie You Should Know Better.
Carlos Santana affirme « La musique classique n’est pas que celle des blancs européens, c’est aussi Billie Holiday, Louis Armstrong ou Curtis Mayfield. Ecoutez Mayfield, Holiday ou Armstrong en même temps que Mozart ou Beethoven », tandis que l’Ambassadeur Andrew Young replace la musique de Curtis Mayfield au cœur du mouvement pour les droits civiques des années 60. Avec l’actualité brûlante aux Etats-Unis, c’est l’occasion rêvée de vous immerger dans la musique des Impressions et de Curtis Mayfield, une musique aux messages universels et intemporels.

Spadee Sam presents – Ain’t No Love Lost, a Curtis Mayfield Mix
A Télécharger ici

01 – Freddie’s Dead (Superfly, 1972)
02 – Eddie You Should Know Better (Superfly, 1972)
03 – Ain’t No Love Lost (Got To Find a Way, 1974)
04 – Gyspy Woman (Curtis/Live!, 1971)
05 – The Making of You (Curtis/Live!, 1971)
06 – Underground (Roots, 1971)
07 – Future Shock (Back To The World, 1973)
08 – Get a Little Bit (Give, Get, Take and Have, 1976)
09 – In Your Arms Again (Give, Get, Take and Have, 1976)
10 – Only You Babe (Give, Get, Take and Have, 1976)
11 – The Girl I Find Stays On My Mind (New World Order, 1996)
12 – Here But I’m Gone (New World Order,1996)

25/10/2008

CURTIS MAYFIELD - Ep.02 - William Parker Ensemble "Inside The Songs of Curtis Mayfield", Pôle Sud Strasbourg 23/10/2008

Salle comble jeudi soir à Pôle Sud pour le concert du William Parker Ensemble autour des chansons de Curtis Mayfield.
Le contrebassiste était entouré du pianiste Dave Burrell, de la chanteuse Leena Conquest, du poète Amiri Baraka, du batteur Hamid Drake, des saxophonistes Darryl Foster et Sabir Mateen et du trompettiste Lew Barnes.
Voilà, c’est dit.
Pour le reste, la soirée fut excellente. Liquidons d’abord les quelques points négatifs. Une section de cuivres un peu en deçà, quelques chorus n’auraient pas été de trop, des longueurs sur plusieurs thèmes et un son d’ensemble pas toujours d’une qualité optimale.
Pour le reste, des musiciens généreux, un public à l’unisson (trois rappels), un batteur, Hamid Drake, incroyable de souplesse, de facilité dans sa manière de proposer en permanence des ambiances différentes, une très belle chanteuse, Leena Conquest, qui se transformait parfois en danseuse aquatique, et un pianiste Dave Burrell, qui séduisait à chacun de ses mini chorus free.
Et puis comment passer sous silence la passion qui habite encore Amiri Baraka, soixante-dix ans passés, debout pendant les presque deux heures qu’a duré le concert, totalement habité par la musique à laquelle il participe en déclamant quelques textes. On préfèrera en tout cas garder de lui l’image de l’homme de lettres témoignant passionnément des luttes pour les droits civiques plutôt que celle beaucoup plus obscure qui témoigne de plusieurs faits et gestes pas très fins (violence conjugale, antisémitisme latent, théorie du complot au sujet du 11 septembre, etc).
Bel hommage à Curtis Mayfield donc, où on aura pu entendre des morceaux comme People Get Ready, Freddie’s Dead, It’s Alright, des passages de Makings Of You ou de Sister Love.
Une musique qui évoquait sans détour le free jazz ou la soul des années 60 et 70, aussi bien physique qu’intellectuelle et encrée dans le blues (Le Peuple du Blues d'Amiri Baraka). Avec ce « groove » qui jamais ne faisait défaut, le seul regret au final aura été de ne pas s’être levé pour danser.

Spadee Sam presents – Rythim Blues Mix

01 – Leena Conquest and Hamid DrakeThe Makings of You (The Inside Songs of Curtis Mayfield, Live in Rome 2007, RaiTrade)
02 – William Parker EnsemblePeople Get Ready (The Inside Songs of Curtis Mayfield, Live in Rome 2004, RaiTrade)
03 – William Parker “Raining On The Moon Quartet” feat.Leena ConquestJames Baldwin Went To The Rescue (Raining On The Moon 2002, ThirstyEar)
04 – William Parker “Raining On The Moon Quartet” feat.Leena ConquestSong of Hope (Raining On The Moon 2002, ThirstyEar)
05 – DJ SpookyWilliam Parker "Raining on The Moon Quartet" feat.Leena ConquestSong of Hope (Celestial Mechanix 2004, ThirstyEar)
06 – Leena Conquest and Hip Hop FingerBoundaries (1994, Uptight)
07 – Hip Hop Finger feat. Leena ConquestGot a Light (SubHop 1992)
08 – William Parker “Raining On The Moon Quartet” feat.Leena ConquestPrayer (Corn Meal Dance 2007, AumFidelity)
09 – Dave BurrellSolo Piano (Vision Festival Live in Roma 2004)
10 – Amiri BarakaRythim Blues (In Teir Own Voices, a Century of Recorded Poet 1996, Rhino)
10 – Amiri BarakaShazam Doowah (In Their Own Voices, a Century of Recorded Poet 1996, Rhino)

23/10/2008

CURTIS MAYFIELD - Ep.01 - The Impressions Mix, Carte Blanche à Amiri Baraka


Jeudi 23 octobre, le William Parker Ensemble fera entendre à Pôle Sud Strasbourg son projet autour des chansons de Curtis Mayfield, "Inside Songs of Curtis Mayfield".

L'occasion de (re)découvrir l'oeuvre immense du chanteur, guitariste, compositeur américain, né en 1942 et mort en 1999.

Et quoi de mieux pour commencer qu'un mix d'une heure présentant une vingtaine de ses morceaux avec les Impressions, de 1963 à 1970 ?



Spadee Sam presents - People Get Ready, an Impressions Mix
A Télécharger ici


01 – We Must Be in Love (Check Out Your Mind, 1970)
02 – Sister Love (The Never Ending Impressions, 1964)
03 – A Woman Who Loves Me (The Never Ending Impressions, 1964)
04 – Get Up and Move (People Get Ready, 1965)
05 – It’s not Unusual (One By One, 1965)
06 – Mighty Mighty (Spade and Whitey) (The Young Mod's Forgotten Story, 1969)
07 – The Young Mod’s Forgotten Story (The Young Mod's Forgotten Story, 1969)
08 – Woman’s Got Soul (People Get Ready, 1965)
09 – Little Young Lover (The Impressions, 1963)
10 – Can't Work No Longer (People Get Ready, 1965)
11 – I Need You (Ridin' High, 1966)
12 – Gyspy Woman (The Impressions, 1963)
13 – We’re In Love (People Get Ready, 1965)
14 – Just Another Dance (People Get Ready, 1965)
15 – Choice of Colors (The Young Mod's Forgotten Story, 1969)
16 – I’m so Proud (The Impressions, 1963)
17 – People Get Ready (People Get Ready, 1965)
18 – Just One Kiss From You (One By One, 1965)
19 – Falling In Love With You (One By One, 1965)
20 – That’s What Mama Say
21 – The Girl I Find (The Young Mod's Forogtten Story)
22 – I’ve Found Out That I’ve Lost (People Get Ready, 1965)

La veille du concert de William Parker, c'est Amiri Baraka qui est venu raconter l'histoire des Black Panthers, au Cinéma Star, entre le documentaire d'Agnès Varda "Black Panthers, Huey!" et "La Bataille d'Alger". Une histoire dont l'importance n'a d'égale que la clairvoyance et la passion de Baraka lorsqu'il parle de cette époque où les militants pour les droits civiques des noirs américains étaient loin d'imaginer que presque un demi-siècle plus tard, un noir était sur le point d'accéder à la présidence des Etats-Unis. Un cours d'histoire qui devrait être obligatoire. Aujourd'hui et dans les prochains jours, on se contentera modestement d'évoquer cette histoire en musique.

22/10/2008

PLAT DU JOUR 17 - Ep.05 - Lucinda Williams, Jolie Holland


La même impression domine après l’écoute des nouveaux albums de Lucinda Wiliams et de Jolie Holland : la déception.

Sur Little Honey de la première, ça commence vraiment très mal avec Real Love et son riff emprunté à Led Zeppelin. Du gros rock qui tâche et qui ne fait pas nos affaires. Pour ça, on attendra Tears of Joy, premier d’une poignée de morceaux plutôt sympathiques. Depuis West, son précédent album, on a compris qu’il faudra toujours supporter quelques lourdeurs et des parties de guitares de bûcherons pour s’enthousiasmer sur les meilleurs morceaux de Lucinda Williams. Ici, il faut se taper un Honey Bee où l’on jurerait entendre Patti Smith pour se permettre la délicatesse de Knowing ou de Rarity. On aimerai toujours entendre la voix rauque de Williams sur des morceaux acoustiques comme Heaven Blues ou Plan to Marry.
Mais Little Honey est un album bancal qui ne bénéficie malheureusement ni de la production haut de gamme d’Hal Willner ni de la finesse de musiciens qui oeuvraient sur West (Bill Frisell, Rob Burger, Jenny Scheinman).

Lucinda Williams - Knowing (Little Honey 2008, LostHighway)



Jolie Holland commence elle son Living and The Dead, un disque à la pochette effroyable, par un Mexico City à la limite, à la fois très agaçant et plutôt sympathique en même temps.
En tout cas, jetez un œil (ne le perdez pas) et une oreille (on s'entend...) sur cette version acoustique :

Jolie HollandMexico City (Acoustique)

La suite tombe du mauvais côté et les morceaux s’enchaînent sans passion, malgré la présence des désormais incontournables M.Ward et Marc Ribot aux guitares.
Peut-être un disque qu’on pourra apprécier pendant un long trajet en voiture. Chez soi ça ne prend pas et pour aller droit au but, on écoutera ce très joli Fox in Its Hole aux guitares lumineuses ou Love HenryHolland est accompagnée d’une harpe qui lui va bien. Où l'on comprend à quel point quelqu’un comme Tom Waits est à des années lumières de la concurrence, dans son utilisation des instruments, dans la qualité des arrangements, dans la surprise qui attend l’auditeur à chaque morceaux,. On sent chez Jolie Holland un intérêt certain pour ce genre d’univers mais il y a encore bien trop de retenue chez elle pour entrer dans la cour des très grands.

Jolie HollandFox in its Hole (The Living and The Dead 2008, Anti)

18/10/2008

PLAT DU JOUR 17 - Ep.04 - B.B.King, Bob Dylan


T-Bone Burnett aux manettes, Jim Keltner derrière les fûts, il y avait très peu de chance que le nouvel album de B.B.King soit mauvais. Il est vraiment bon.
Aucune faute de goût dans la production, des musiciens parfaits, tout y est.
On peut alors goûter aux délices de piano bastringue servis par Dr John sur I Get So Weary ou My Love Is Down, discrètement accompagné de cuivres Nouvelle-Orléans, apprécier les classiques How Many More Years ou The World Go Wrong, emballer sur Waiting For Your Call et Blues Before Sunrise et trembler sur Backwater Blues et l’émouvant Tomorrow Night qui clôt l’album de la meilleure des manières.

B.B.KingGet These Blues Off Me



B.B.KingTomorrow Night



Une fois de plus, Burnett prouve qu’il est l’un des plus grands producteurs actuels, avec une touche personnelle et un sens du casting évident. Beaucoup devraient en prendre de la graine.



Le 8ème volume des « Bootlegs » de Bob Dylan, autre légende vivante, est sorti il y a quelques jours et c’est une toute autre histoire. On attendait beaucoup des sessions de Time Out of Mind, répétons-le, son meilleur disque. Mais à part l’excellent et terrifiant Dreamin’ Of You, pas grand-chose à se mettre sous la dent. Une version alternative de Can’t Wait et deux morceaux, Mississippi et Marchin’ To The City venant juste rappeler l’atmosphère moite qui enveloppe le disque produit par Daniel Lanois en 1997.
On relèvera encore un émouvant Most of The Time issu des sessions de Oh Mercy, également produit par Lanois en 1989.
Mais il y a trop de morceaux quelconques sur ce Tell Tale Signs et pas grand-chose pour équilibrer la balance.

Bob Dylan - Marchin' To The City (Sessions Time Out of Mind) (Tell Tale Signs-Bootlegs Vol.08 2008, Columbia)

PLAT DU JOUR 17 - Ep.03 - John Zorn, Trevor Dunn


Les deux derniers volumes de musiques de films composées par John Zorn ont plus d’un point commun.
Musique de chambre, jeux entre les timbres des instruments employés, soit un trio piano/violoncelle/contrebasse pour le volume 19, The Rain Horse, et un quintet accordéon/harpe/contrebasse/violon/violoncelle pour le volume 20 intitulé Sholem Aleichem.
Deux disques à écouter dans un cadre feutré, en regardant tomber la neige.

Sur The Rain Horse, Rob Burger, plus connu jusque là pour ses talents d’accordéoniste au sein du Tin Hat Trio et sur le volume 18 des Filmworks (The Treatment), est au piano. On avouera n’être que moyennement enthousiasmé par son jeu sur l’instrument, surtout entre deux musiciens qui ont eux la parfaite maîtrise du leur, Erik Friedlander au violoncelle et Greg Cohen à la contrebasse. Mais la toute relative « faiblesse » du jeu de Burger au piano ne masque jamais la qualité des thèmes écrits par Zorn. Ainsi ce très beau Forests in The Mist :

John Zorn (Rob Burger/Erik Friedlander/Greg Cohen) – Forests in The Mist (Filmworks XIX, The Rain Horse 2008, Tzadik)



Et le niveau monte encore d’un cran quand Rob Burger laisse la parole au fantastique duo violoncelle/contrebasse :

John Zorn (Greg Cohen/Erik Friedlander) – Dance Exotique (Filmworks XIX, The Rain Horse 2008, Tzadik)




La musique de Sholem Aleichem voit la réapparition de la harpiste Carol Emanuel, une musicienne qu’on avait peu entendu depuis ses prestations remarquées dans les pièces Godard/Spillane de Zorn, au milieu des années 80.
Un retour réussi, d’autant que cette fois, la harpiste est accompagnée par un Rob Burger accordéoniste mais aussi du Masada String Trio au complet, soit Erik Friedlander et Greg Cohen ainsi que Mark Feldman au violon.
L’association des cordes et de l’accordéon faisait déjà bon ménage sur The Treatment mais prend encore une autre dimension avec l'ajout de la harpe. On retrouve les « gimmicks » thématiques de Zorn et ce volume prend parfois des allures de cabaret noir magique.

John ZornShalom, Sholem ! (Filmworks XX, Sholem Aleichem 2008, Tzadik)




Enfin, toujours sur Tzadik, c’est le bassiste Trevor Dunn qui sortait il y a quelques semaines son disque de musiques de films, Four Films. Où l’on retrouve les influences d’Ennio Morricone et surtout des premiers volumes des Filmworks de John Zorn et de Marc Ribot. Des miniatures s’attachant à créer des climats cinématographiques (la « musette » de Paris Whore, "Les Prostitués de Paris").

Trevor Dunn - Isabelle (Four Films 2008, Tzadik)


16/10/2008

PLAT DU JOUR 17 - Ep.02 - Danilo Perez, McCoy Tyner


Si vous êtes allergiques au sucre, ne vous arrêtez pas sur le nouveau disque du pianiste Danilo Perez, membre émérite de l’actuel quartet du saxophoniste Wayne Shorter.
Across The Crystal Sea est un voyage sur de grandes vagues de cordes qui rendent la digestion parfois difficile. Mais on y croise aussi une sirène, la chanteuse Cassandra Wilson, impériale sur deux titres. Au final, on passe trop régulièrement de la gourmandise à l’écoeurement sur cette mer de cristal.

Danilo Perez feat.Cassandra WilsonLazy Afternoon (Across The Crystal Sea 2008, UniversalJazz)




Si Danilo Perez restera probablement longtemps associé au nom de Wayne Shorter, difficile de dissocier un autre pianiste, McCoy Tyner, d’un autre légendaire saxophoniste, John Coltrane.
Mais point de saxophone sur Guitars, drôle de projet qui voit Tyner dialoguer avec les guitaristes Marc Ribot, Bill Frisell, Dereck Trucks, John Scofield ou le joueur de banjo Bela Fleck.
On peut apprécier les associations de Tyner avec Frisell ou Scofield mais on restera beaucoup plus réservé sur les apparitions de Ribot, Trucks ou Bela Fleck.
Entre plages d’improvisation pas vraiment passionnantes et bœufs blues, on entend McCoy Tyner se faire plaisir et c’est sans doute là l’essentiel.

McCoy Tyner feat.Bill Frisell - Oma (Guitars 2008, HalfNoteRecords)


14/10/2008

PLAT DU JOUR 17 - Ep.01, Le Mix - Lucinda Williams, Jolie Holland, B.B.King, John Zorn, Bob Dylan, Danilo Perez, McCoy Tyner


Spadee Sam presents – Plat du Jour 17 Mix

01 – McCoy Tyner with Marc Ribot500 Miles (Guitars 2008, McCoyTynerMusic)
02 – Danilo PerezAcross The Crystal Sea (Across The Crystal Sea 2008, UniversalJazz)
03 – John ZornMamme Loshen (Filmworks XX : Sholem Aleichem 2008, Tzadik)
04 – B.B.KingBackwater Blues (One Kind Flavor 2008, Geffen)
05 – Lucinda WilliamsTears of Joy (Little Honey 2008, LostHighway)
06 – Bob DylanAin’t Talkin’ (Tell Tale Sign-Bootleg Series Vol.08 2008, Columbia)
07 – Lucinda WilliamsHeaven Blues (Little Honey 2008, LostHighway)
08 – Jolie HollandFox in Its Hole (The Living and The Dead 2008, Anti)
09 – John ZornLucky Me, I’m an Orphan! (Filmworks XX : Sholem Aleichem 2008, Tzadik)
10 – Jolie HollandLove Henry (The Living and The Dead 2008, Anti)

Le légendaire pianiste de John Coltrane s’amuse avec Marc Ribot, comme le fait le celui du quartet actuel de Wayne Shorter avec le grand orchestre de Claus Ogerman qu’on avait entendu en 1977 « Amoroso » de Joao Gilberto. Sinon, John Zorn et la harpe de Carol Emmanuel pour des nouvelles musiques de films, B.B.King ressuscité par T-Bone Burnett, les fonds de tiroir de Bob Dylan et deux fortes têtes de la chanson américaine, Jolie Holland et Lucinda Williams, de retour pour le meilleur et pour le pire.

13/10/2008

PLAT DU JOUR 16 - Rodney Crowell, Madlib, James Taylor, Mark Kozelek

Le label YepRoc est en passe de devenir le refuge pour songwriter de luxe. Ainsi sort ces temps-ci le nouvel album de Rodney Crowell, quelques semaines après les excellents derniers Loudon Wainwright et Giant Sand (soit Howe Gelb)

Rodney CrowellSex and Gasoline (clip)

Comme Recovery de Wainwright, Sex and Gasoline est produit par Joe Henry, entouré de sa désormais habituelle équipe, le batteur Jay Bellerose, le claviériste Patrick Warren ou encore le bassiste David Piltch.
Il n’est ainsi pas surprenant de retrouver certains des éléments qui ont fait la réussite d’autres productions de Henry comme I’ve Got My Own Hell to Raise de Betty Lavette, Drill a Hole in that substrate de Jim White ou son propre Tiny Voices.
Autour de la voix aigre douce de Crowell, à mi-chemin entre celles de Bob Dylan et de George Harrison, Sex and Gasoline mélange belles ballades folk, Moving Work of Art, The Night’s Just Right, et morceaux plus enlevés comme celui qui donne son titre à l’album ou ce Funky and The Farm Boy.

Rodney CrowellFunky and The Farm Boy

Joe Henry vient quant à lui donner de la voix, et quelle voix, sur l’émouvant I’ve Done Everything I Can.

Rodney Crowell feat.Joe HenryI’ve Done Everything I Can
Rodney Crowell achève de nous prouver qu'il est un homme de goût avec cette belle session sur la radio WXPN où il partage l'affiche avec l'une de nos artistes favorites, la violoniste et désormais chanteuse Jenny Scheinman.
Rodney Crowell and Jenny Scheinman - Live at World Café, WXPN

En toute modestie, Rodney Crowell propose avec Sex and Gasoline son meilleur disque à ce jour, un de ceux qu’on écoutera souvent en attendant le printemps.

Un autre qui s’écoute très bien près de la cheminée c’est Mark Kozelek. On l’a déjà dit, mettre un disque de Kozelek dans la platine, c’est le bourdon assuré. Mais le californien chante de mieux en mieux et ses chansons ont gagné en concision avec le temps.
Au début de l’année est paru April avec son nouveau groupe Sun Kil Moon et dont Moorestown n’est qu’une des superbes chansons.

Sun Kil MoonMoorestown

Plus récemment, Kozelek a sorti 7 Songs Belfast, recueil de morceaux live joués en solo. Pour l’humour, passez votre chemin. Mais si vous cherchez de la musique pour vos automnales fins d’après-midi dominicaux, vous êtes à la bonne adresse.

Mark KozelekAround and Around

Un autre grand songwriter publie son album de reprise. James Taylor rend avec Covers une copie tout à fait acceptable à défaut d’être inoubliable, enregistrée en dix jours avec ses musiciens au complet dans une petite maison du Massachusetts. En tout cas, l’album débute de la meilleure des manières avec cette reprise de It’s Growing, composée par Smokey Robinson et popularisée par les Temptations.

James TaylorIt’s Growing


On quitte l’univers folk pour celui du hip-hop, avec le dernier album du producteur Madlib. Wlib Am, King of The Wigflip est le dernier chapitre des Beat Generation Series, offrant carte blanche le temps d’un disque un producteur (King Britt, Jazzy Jeff, Jay Dee, Will I Am,...).
Wlib Am est comme son nom l’indique conçu comme une émission de radio et fourmille de samples soul. Si tout le disque est excellent, certaines plages atteignent des sommets, comme ce Life avec Kerriem Riggins :

Madlib feat.Kerriem RigginsLife

Ou le magnifique Yo Yo Affair Pt.1 et 2 avec la chanteuse Frezna :

Madlib feat.FreznaYo Yo Affair Pt.1 & 2


Bonne semaine!

07/10/2008

JAZZDOR STRASBOURG-BERLIN 2008 - Ep.08, 04/10 - Elisabeth Kontomanou + MegaOctet d'Andy Emler

Double plateau luxueux pour cette dernière soirée au Kino Babylon, avec d'abord le quartet d’Elisabeth Kontomanou. On ne s’y attardera pas si ce n’est pour dire que, classique, sa musique n’en demeure pas moins plutôt pas mal.

Mais beaucoup plus passionnante est la musique du MegaOctet d'Andy Emler. Un final en fanfare avec 9 musiciens formidables. Exceptionnelles qualités d’écriture et d’arrangements, humour du chef d’orchestre, solistes superbes, le MegaOctet est à l’heure actuelle l’un des plus grands orchestres du monde, sorte de pendant français et européen au Bar Kokhba Sextet de John Zorn avec François Verly en Cyro Baptista national !
Difficile de souligner le talent de chacun des musiciens, celui du lutin rouge saxophoniste Laurent Dehors dont il ne faudra pas rater la formation Tous Dehors en novembre à Strasbourg, celui du contrebassiste Claude Tchamitchian ou du batteur a la frappe rapide, sèche et démoniaque Eric Echampard. Avec Laurent Blondiau, Thomas de Pourquery, Philippe Sellam et François Thuillier, le MegaOctet est un feu d’artifices permanent, sans cesse surprenant par des prises de paroles, des atmosphères, des faits de jeu désarçonnants. Et quand on voit sur les visages un tel plaisir de jouer, une telle communion à travers la musique, on comprend que celle-ci, comme le reste, n’est belle et ne véhicule des émotions que lorsqu’elle est l’affaire de types biens. Autour d’Andy Emler, impossible d’envisager autre chose. Ce nouveau répertoire du MegaOctet marque le début d’une aventure qui s’apprête à tout renverser sur son passage. Vraiment, allez participer à la fête !


Vous pouvez voir ici quelques photos des musicien présents à Berlin, prises par le photographe Christophe Huber.

JAZZDOR STRASBOURG-BERLIN 2008 - Ep.07, 04/10 - Hélène Labarrière solo

Dernière soirée à Berlin. Peu avant 20 heures, Hélène Labarrière arrive au Roter Salon pour y jouer en solo. Incertitudes sur le public, sur le bruit dans cette salle avec bar.
A 20h 10, la contrebassiste a débuté et la salle est comble, silencieuse. Pendant 45 minutes, l’attention de cette dernière va être totalement tournée vers la performance d’Hélène Labarrière et de son programme autour de quelques chansons françaises. Fais Moi Mal, Johnny de Boris Vian, et son refrain, groove imparable qui roule sur les cordes de la contrebasse, Avec Le Temps de Léo Ferré, pris à l’envers pour mieux en tirer la substantifique moëlle mélodique. L’émotion est palpable tandis que la musicienne s'empare de son archet. Ses quelques mots de présentation en allemand sont écoutés avec attention. Et puis, alors qu’elle termine un morceau d’une beauté lumineuse, où son plaisir de jouer est communicatif devant un public subjugué, arrive l’impensable. 3/4 d'heure, c’était le temps qui lui était donné pour jouer, pas une minute de plus. Alors le gérant de la salle menace d’éteindre les lumières, harangue le public devant la musicienne désarçonnée. La bronca des spectateurs n’y fera rien, le concert est arrêté avant même qu’elle ait pu terminer son programme, remercier le public. Mais les longues minutes d’applaudissement nourris pour la musicienne ne doivent pas tromper sur leur signification : c’est bien la performance d’Hélène Labarrière qui est saluée, intense, émouvante, joyeuse, totale. A ce point d’investissement dans la musique, personne ne pouvait se tromper.
Avant d'avoir la chance d'entendre Hélène Labarrière en concert, ne vous privez surtout pas de l'écoute de son excellent dernier disque, Les Temps Changent (Emouvance/Abeille 2007), avec Hasse Poulsen à la guitare, Christophe Marguet à la batterie et François Corneloup au saxophone.

JAZZDOR STRASBOURG-BERLIN 2008 - Ep.06, 03/10 - Le Trio de Clarinettes

Après l'émotion procurée par ce Lenin On Tour, il était difficile de se replonger dans la musique pour aller écouter le Trio de Clarinettes. Mais l’effort fut largement récompensé. Car Armang Angster, Sylvain Kassap et Jean-Marc Foltz ont donné à leur tour un excellent concert, loin de tout hermétisme, dans ces élégantes lignes mélodiques croisées, tissées par ces trois superbes instrumentistes. Dans la salle de ce cinéma au haut plafond, on appréciait toutes les nuances des sons qui s’échappaient des différentes clarinettes utilisées.
Angster, Kassap et Foltz laissèrent beaucoup de place aux silences, aux respirations, à la mise en avant des partenaires, chacun leur tour jouant une pièce solo autour de laquelle l’écoute des deux autres semblait d'une importance égale. Elégant, subtil, délicat dans sa manière d’évoluer autour d’une écriture ciselée, Le Trio de Clarinettes a donné dans des conditions pas évidentes un de ces concerts dont on sort heureux.

06/10/2008

JAZZDOR STRASBOURG-BERLIN 2008 - Ep.05, 03/10 - Lenin on Tour, a Road Show

On n'a pas tous les jours 18 ans. Vendredi 3 octobre 2008, fête nationale allemande, célébration de la réunification de 1990. Autour de 20 heures, il règne une drôle d’atmosphère autour de la Volksbühne, le Théâtre du Peuple de Berlin. Des cars de CRS sont postés un peu partout, la lumière du jour vit ses derniers instants, il semblerait qu’on ne retrouve plus le portrait de Lenine accroché au mur du Roter Salon, annexe du grand théâtre. Pas certain qu’à ce moment-là, les hommes en uniforme savent que c’est Das Kapital qui va occuper la scène du Babylon pendant la première partie de la soirée. Pas certain non plus qu’ils savent que Lenine est en ballade. Pour ceux qui ont assisté il y a un an à l’extraordinaire projet Wonderland des mêmes trois musiciens de Das Kapital, avec le cinéaste Nicolas Humbert et le vidéaste Martin Otter, l’attente est grande, et l’on pressent quelque chose d’important. Quelques heures auparavant, alors que les musiciens quittaient leur hôtel pour se rendre au Babylon, Edward Perraud, qui vient avec ses camarades de visionner le montage que Nicolas Humbert et Martin Otter ont réalisé d’après les images du plasticien Rudolf Herz, nous confit, ému : « le film est superbe, on reconnaît tout de suite la patte de Nicolas » et montre un papier sur lequel sont inscrits quelques annotations de jeu.
A 21 heures, tout le monde est à sa place lorsque Philippe Ochem, directeur du festival, introduit brièvement le projet, unique puisque pour des raisons de droits d’images, seule une seconde représentation sera donnée à Strasbourg le 7 novembre prochain.
Cinq minutes depuis que les musiciens ont pris place sur la scène, que les premières images ont été dévoilées, et l’on a compris. Compris que là, tout de suite, ce soir, on tient l’un de ces moments que l’on ne rencontre que très rarement. Un de ces moments où tout semble touché par la grâce, la magie. Mais rien n’est vraiment magie. Seul le talent, la concentration, l’intense communion, la totale compréhension mutuelle entre trois musiciens et deux réalisateurs, dont Edward Perraud dit qu’ils sont « comme des frères », ont leurs voix au chapitre.
Alors quand défilent sur l’écran du Kino Babylon ces images d’une incroyable beauté, quand chacune d’elle possède un sens, quand chaque mouvement de personnage, de caméra, raconte au même instant tant de choses et si peu, alors la musique ne peut qu’épouser les formes d’un voyage hors du commun. Hasse Poulsen, Daniel Erdmann et Edward Perraud sont soudés au point de faire totalement corps avec celles-ci.
Alors pas la peine d’en faire des tonnes sur l’inventivité permanente et incroyable de Perraud à la batterie, sans limite, sur le jeu d’une richesse inégalée de Hasse Poulsen, d’abord doux à en pleurer, puis l’instant d’après d’une rage magnifique, faisant en même temps intervenir les sons du film, et sur ce souffle venu d’ailleurs de Daniel Erdmann, lyrisme sauvage par l’un des plus grands saxophonistes actuels.
Changements de climats, crescendos nerveux, moments de répits, de silences, de contemplation, le calme avant la tempête puis l’inverse, un étonnement sans fin dans cette musique qui n’est plus jazz, rock ou on ne sait quoi mais qui devient vagues gigantesques et successives d’émotions.
On sort de la salle le visage marqué, sonnés, subjugués, avec encore dans l’esprit ces voix, ces visages, ces cicatrices d’une Histoire qui se joue désormais au présent, le regard tourné vers l’avenir.

Le projet Lenin on Tour, a Road Show était donc programmé pour la première fois à Berlin. Si à la sortie, les tractations allaient bon train pour obtenir l’autorisation de montrer ce projet au plus grand nombre, il n’y aura vraisemblablement qu’une autre date pour assister à cet évènement, le vendredi 7 novembre au Maillon de Strasbourg dans le cadre du festival Jazzdor.
On n’assiste jamais deux fois au même concert et il est des lieux, des atmosphères qui indéniablement participent à la réussite d’une soirée. Mais si vous êtes là et qu’il reste des places, ne pas être dans la salle ce soir-là serait passer volontairement à côté d’un grand moment.
La veille, David Florsch, saxophoniste d’Ozma, nous parlait avec passion d’un concert du quartet de Wayne Shorter, avec Brian Blade, Danilo Perez et John Patitucci. C’est avec cette même passion, cette même émotion qu’on aimerait raconter ce soir du 3 octobre 2008 au Babylon de Berlin, avec Hasse Poulsen, Daniel Erdmann, Edward Perraud, Nicolas Humbert, Martin Otter et Rudolf Herz.

Merci à eux.

JAZZDOR STRASBOURG-BERLIN 2008 EP.04, 02/10 - Brice Martin / Emmanuel Bex + Médéric Collignon / Sylvain Luc + Louis Sclavis Trio

La première grande soirée de cette seconde édition de Jazzdor Strasbourg-Berlin voyait d’abord Emmanuel Bex et Brice Martin se retrouver, cette fois-ci en duo, dans l’intimité du Roter Salon.
Devant un public nombreux, les deux musiciens ont eu l’excellente idée de créer un set très cinématographique, de leur envie de jouer du basson, du saxophone et de l'orgue Hammond au milieu du public jusqu’à la belle utilisation entre les morceaux de voix préenregistrés chez la famille de Brice Martin. On plongeait alors totalement dans un univers fantaisiste et émouvant, les deux compères étant aussi bons musiciens qu’ils sont facétieux, et la complicité affichée au moment d’entonner «Ah si vous connaissiez ma poule » de Maurice Chevalier procura le même plaisir que celui qu'on a pu avoir à l'écoute des deux concerts donnés à Berlin par Brice Martin et Emmanuel Bex.

Maurice Chevalier - Ah, Si Vous Connaissiez ma Poule
Claude Nougaro - Ah, Si Vous Connaissiez ma Poule

Au Babylon, les avis étaient partagés à la sortie du concert de Médéric Collignon et de Sylvain Luc. Pour les uns, l’énergie du premier fut éprouvante et vaine, tandis que pour les autres, l’implication du cornettiste de poche au service de la musique, l’utilisation totale du corps à des fins musicales se révéla positive. Vous pourrez vous faire votre avis en novembre à Offenburg lors du prochain festival Jazzdor.

Puis vint Louis Sclavis, accompagné pour l’occasion du batteur François Merville et du bassiste Olivier Lété.
On n’a pas toujours été enthousiasmé par le jeu de ce dernier, qui paraissait manquer parfois d’un peu de ressources, de propositions. Mais progressivement, un groove s’est installé, qui s’est transformé en un bel écrin pour le jeu de clarinette, superbe, de Louis Sclavis. Dans les sièges confortables de ce magnifique cinéma, on avait alors tout le loisir d’apprécier les phrases claires du clarinettiste, justement soutenues par François Merville à la batterie.

L’un des grands moments de la soirée fut aussi cette phrase du saxophoniste Daniel Erdmann, en regagnant la sortie : « Ce soir, j’ai échoué en tant qu’auditeur ». On en reparlera!

02/10/2008

JAZZDOR STRASBOURG-BERLIN 2008 - Ep.03, 01/10 - La Poche à Sons + Brice Martin Quartet

La seconde édition du festival Jazzdor Strasbourg-Berlin était inaugurée hier soir de la meilleure des manières avec au programme La Poche à Sons et le Quartet de Brice Martin.

La Poche à Sons fut la première à monter sur la scène de Peugeot Avenue, et quatre jours après un superbe concert à l'Artichaut de Strasbourg, ou le groupe présentait pour la première fois leurs nouvelles compositions, ses quatre musiciens ont à nouveau marqué les esprits.
Car en pimentant sa musique d'une énergie nouvelle, en se permettant désormais des coups d'éclats salvateurs, La Poche à Sons est aujourd'hui en parfait équilibre, entre les qualités d'écriture qu'on lui connaissait déjà et une explosivité qui n'est pas sans lien avec le caractère fantasque des musiciens.
A ce niveau, le saxophoniste Hugues Mayot n'est pas le dernier. Ses lignes claires peuvent se déchirer à tout moment, quand le trombone ludique de Jean Lucas le soutiendra volontiers dans ses dynamitages de mélodies.
Quand à Frédéric Guérin à la batterie et Jérôme Fohrer à la contrebasse, les deux glissent en permanence dans les débats de nouvelles idées, aussi bien rythmiques que mélodiques.
La Poche à Sons réalise le tour de force de proposer une musique a la fois joyeuse et sensible, énergique, intelligente et n'ayons pas peur des mots, populaire.
Avec ça, on devrait les voir et les entendre souvent ces prochains mois.

A noter que vous pouvez également lire cet article du flamboyant Jean-Daniel Burkhardt sur le concert de La Poche à Sons à l'Artichaut, qui signe là au passage son meilleur article.


Sur le papier, le quartet de Brice Martin ne ressemble à rien de connu. Un basson, un orgue Hammond, on n'a pas souvenir d'une pareille association.
On comprend alors bien vite l'originalité du projet, dans la façon qu'a Emmanuel Bex de jouer de l'Orgue Hammond, alternant accords étranges parfois doublés au vocoder, et de Brice Martin de proposer les sonorités particulières de son instrument, le basson, rarement entendu dans d'autres contextes aue celui d'un orchestre philharmonique (orchestres avec lesquels il se produit d'ailleurs régulièrement).
Avec eux, deux musiciens pour assurer une rythmique parfaite, Joachim Florent à la contrebasse et Alain Laspeyres à la batterie, ce dernier proposant un superbe son ouaté qui se marriait idéalement avec celui de l'orgue. On pensait parfois au Herbie Hancock des années 70 ou plus près de nous au trio Medeski,Martin and Wood.
Dans le cadre moderne de Peugeot Avenue, la musique du quartet de Brice Martin résonnait parfaitement, urbaine, mystérieuse, aventureuse.
Le festival pouvait etre lancé!

01/10/2008

JAZZDOR STRASBOURG-BERLIN 2008 - Ep.02, 30/09 - Ozma sur la Postdamer Platz de Berlin

En sport, on parle parfois de grande équipe dans sa capacité à obtenir un bon résultat malgré des conditions peu optimales.
Parfois, il en est également ainsi en musique. Prenz ce mardi 30 septembre 2008 où le groupe strasbourgeois Ozma donnait un concert sur la Postdamer Platz de Berlin, dans le cadre du Village Alsacien, opération commerciale devant servir à la promotion de la Région à l'étranger. C'est sous un chapiteau aux couleurs locales, imitation fort réussie, vous vous en doutez, d'une maison à colombages et surplombé d'une cigogne en plastique du meilleur goût que les cinq musiciens se sont produits, devant une assemblée qui semblait aux trois-quarts n'avoir du jazz qu'une idée assez vague.
Pourtant, les applaudissements venant saluer la fin de la prestation d'Ozma ont paru sincères. Que s'était-il alors passé tandis que les plats de choucroute garnie circulaient rapidement sous le chapiteau surchauffé, le groupe avait-il pu se livré à une volontaire dépréciation de sa musique dans le but de satisfaire ses auditeurs improbables?
Non, Ozma a bien été lui-même, suffisamment intelligent pour mettre de côté ses morceaux les plus abruptes mais en montrant du début à la fin les qualités de ses excellents musiciens.
Alors on constatait celles du saxophoniste David Florsch, au son rond et puissant, du tromboniste Guillaume Nuss, classieux à chacune de ses interventions, du guitariste Adrien Dennefeld, lumineux sur une superbe nouvelle composition aux accents psychédéliques, et de la formidable machine à grooves que constitue la rythmique Edouard Séro-Guillaume à la basse et Stéphane Scharlé à la batterie.
En marge des convives endimanchés aux larges sourires que la musique d'Ozma n'avait pas le moins du monde altéré, quelques "vrais" spectateurs venus pour certains de loin afin de voir le groupe en concert, séduits par les morceaux entendus sur la page Myspace du groupe. Des jeunes spectateurs loins d'être déçus par des musiciens aussi talentueux musicalement que sympathiques dans la vie. Précipitez-vous pour les voir en club, avant un nouvel album dans quelques mois!