18/11/2008

PLAT DU JOUR 18 - Otis Redding, Das Kapital, Vinicio Capossela, K.D.Lang, Marianne Faithfull, The Sea and The Cake

Le temps manque un peu pour écouter d'autre choses que d’excellents concerts, mais quelques disques et morceaux picorés par ci par là valent la peine que vous vous y arrêtiez vous aussi.

Pour sa dose de soul et en plus du Mavis Staples live à Chicago, on écoutera le Otis Redding en concert à Londres et Paris en 1968. Rassemblés sur un seul disque, les deux soirées font entendre un Redding au sommet, avec une énergie qui vous met K.O. debout. Ahurissant et essentiel. Le cadeau de Noël idéal.

Otis Redding - Respect (Live in London 1968)

Loin derrière mais pas si mal, Car Alarm des The Sea and The Cake se laisse écouter. Une « électro-pop » comme on dit désormais, urbaine et légère en sucre. En cherchant quelques infos sur le groupe et le disque, on tombait sur cette chronique savoureuse parue sur le webzine « Froggy’s Delight » : « (…)Quoi que puissent en penser quelques jazzeux integristes, le jazz n'est pas mort et sa survie passe par des groupes créatifs comme The Sea and Cake ou Tortoise, qui permettent à cette musique de sortir de la naphtaline et de se trouver un public moins élitiste ». Cherchez l’erreur...

The Sea and The Cake - The Staircase (Car Alarm, 2008)

Ce chroniqueur pourrait faire un tour sur le myspace de Das Kapital. Notre « power trio » (Hasse Poulsen à la guitare, Daniel Erdmann au saxophone, Edward Perraud à la batterie)préféré fait encore des miracles avec désormais trois morceaux de son prochain projet autour du compositeur Hans Eisler en écoute . Allez vite écouter ça sur http://www.myspace.daskap/

Malgré la présence du contrebassiste Greg Cohen, du guitariste Marc Ribot ou de l’accordéoniste Rob Burger, Easy Come Easy Go, le nouvel album de Marianne Faithfull, n'a que peu à voir avec le jazz, mais cette intro contrebasse/guitare/batterie qui ouvre Down from Dover, un morceau de Dolly Parton, et le disque, est savoureuse, tout comme la fin saturée de Hold On, Hold On.
Le disque a cependant plusieurs défauts. Il est beaucoup trop long (qui peut honnêtement supporter la voix de Faithfull aussi longtemps ? ), certains arrangements rendent pénibles l’écoute de quelques morceaux (les cuivres sur Down from Dover par exemple) et plusieurs de ces derniers sont franchement mauvais (How Many Words, Salvation).
La voix de Faithfull fait un peu de peine à entendre sur la reprise de Ooh Baby Baby, la magnifique ballade des Miracles de Smokey Robinson mais la deuxième partie « reggae » du morceau est bien vue et Antony Hegarty assure sur ce coup-là.
Sinon Black Coffee, The Phoenix, Kimbie ou Somewhere (avec Jarvis Cocker et un petit solo signé Ribot) sont vraiment des réussites, ce qui n’est pas si mal.

Marianne Faithfull - Somewhere (Easy Come Easy Go, 2008)

Son dernier disque, Watershed, était déjà très bien. Mais la chanteuse K.D.Lang épate vraiment sur cette session enregistrée il y a trois semaines dans l’émission Morning Becomes Eclectic sur KCRW. Quelle voix, surtout qu’elle est là beaucoup plus libre que sur les enregistrements officiels. Prenez une demi-heure pour apprécier, ça vaut le coup.

K.D.Lang - Live 09/10/2008 on Morning Becomes Eclectic, KCRW

Et puis on vous a gardé le meilleur pour la fin. On en parlera plus longuement dans quelques jours mais vous pouvez dès à présent essayer de vous procurer le nouvel, et comme d’habitude excellent, album du chanteur et musicien italien Vinicio Capossela. Un monde magique où sont invités sur un titre Joey Burns et John Convertino de Calexico. La Faccia della Terra enregistré à Tucson n’est qu’une des merveilles de ce Da Solo.

Vinicio Capossela - La Faccia della Terra (Da Solo, 2008)

11/11/2008

JAZZDOR 2008 - J.04 (10.11) - RUDRESH MAHANTHAPPA'S CODEBOOK + FAT KID WEDNESDAYS


Quelle soirée ! Il fallait être à la Cité de la Musique et de la Danse lundi 10 novembre à partir de 20h30. D’abord pour voir et entendre le Codebook de Rudresh Mahanthappa, une formation abondamment et justement saluée par la critique ces derniers mois. Le jovial saxophoniste y était entouré du ténébreux Vijay Iyer au piano, du mystérieux Dan Weiss à la batterie et de Carlo de Rosa à la contrebasse.
Un projet dont la réussite tient dans le parfait contrepoint entre le phrasé souple et lancinant du leader, mystique et enivrant, et le jeu de piano de Vijay Iyer, qu’on prendra un jour en exemple pour faire entendre la manière de jouer du piano en 2008. Influences be-bop certes, celle de Monk bien sûr, mais surtout assimilation des rythmes, respirations et cadences du hip-hop (Iyer a collaboré à plusieurs reprises avec le rappeur Mike Ladd). Et quand derrière, Dan Weiss cogne à deux mille à l’heure sur sa batterie, évoquant ainsi toute la musique électronique de ces dernières années, on est avec Codebook dans une musique qui puise son énergie loin de tout revivalisme, parfaitement encrée dans son époque, passionnante.

On changeait à la fois de formation et de salle pour s’en aller écouter les Fat Kid Wednesdays dans la Salle d’Orchestre du Conservatoire. Acoustique, le trio de Minneapolis a fini son set sous l’ovation du public. Et ce n’était pas la magnifique ballade jouée en rappel qui était seule à l’origine de ces applaudissements nourris. Pendant plus d’une heure, les trois musiciens ont joué serrés, avec une énergie rare et communicative. Derrière sa batterie, JT Bates se levait régulièrement, emporté par sa puissance. A la contrebasse, Adam Linz était solide comme un rock, tandis qu’au saxophone, le fougueux Michael Lewis délivrait des phrases à la fois magnifique de lyrisme mais régulièrement traversées par des vents tempétueux. On se voyait au fond d’un club enfumé, au temps de Kerouac et de ses amis, comme le poète Grégory Corso avec qui les Fat Kid Wednesdays ont enregistré l’un de leurs disques « faits mains ». Si vous lisez ces lignes, vous n’avez plus d’excuses pour manquer les "Fat Kid" s’ils passent près de chez vous. On vous garantit que des soirées comme celle-ci, vous allez vouloir en passer souvent.

04/11/2008

MAVIS STAPLES - Live Hope at The Hideout (Anti, 2008) ou la Bande Son idéale de la 56ème élection présidentielle américaine


Inutile de chercher bien loin la bande son de la 56ème élection présidentielle américaine, car c'est aujourd’hui 4 novembre 2008, le jour même du vote, que paraît ce disque fantastique.
5 mois auparavant, Mavis Staples se produisait en concert dans un club de Chicago, la ville où réside Barack Obama, entourée du guitariste Rick Holmstrom, du bassiste Jeff Turmes et du batteur Stephen Hodges (entendu aux côtés de Tom Waits, Sam Phillips, Janiva Magness ou Shivaree), ainsi que de trois choristes dont sa sœur Yvonne.
En remontant encore un peu plus loin, on se souvient du superbe We’ll Never Turn Back enregistré par Staples sous la houlette du guitariste et producteur Ry Cooder. Ce sont en partie des morceaux de ce disque qu’interprétait Mavis au Hideout de Chicago, soit des chansons évoquant la lutte pour les droits civiques des années 60. Loin d'un quelconque pessimisme , Mavis Staples n’avait ce soir là pour objectif que « d’apporter la joie et des vibrations positives pour les six prochains mois », ceux qui nous menaient vers ce 4 novembre 2008.
L'objectif fut largement atteint, car ce Hope at The Hideout est un disque parfait. Plus d’une heure de musique qui passe à une vitesse ahurissante, la « faute » à ce mariage miraculeux entre la voix rocailleuse de Mavis Staples et la guitare lumineuse et aérienne de Rick Holmstrom. La première vient rappeler la vacuité des « nouvelles » chanteuses "soul" en plastique, d’Amy Winehouse à Duffy, de par une présence hors du commun, une aisance et une empathie avec le sujet à vous mettre la chair de poule. Quant elle débutait à la fin des années 50 au sein des Staple Singers fondé par son père « Pops », on était en pleine lutte pour les droits civiques, pour le droit des noirs de s’asseoir aux côtés des blancs dans les transports en commun. Un demi-siècle plus tard, elle publie ce disque qui enterre bien des productions actuelles et alors que s’apprête à être élu à la présidence des Etats-Unis un afro-américain. Certains feraient mieux d’enseigner l’histoire autrement qu’en obligeant les enfants à apprendre les paroles dégueulasses de la Marseillaise.
Quant à Holmstrom, il est impressionnant de justesse, d'économie, et dans la maîtrise de son son de guitare.
Alors si vous souhaitez vous faire une place dans le train de l’Histoire en marche, poussez le volume à fond pour écouter ce Hope In The Hideout de Mavis Staples. De là où l’on est, c’est déjà pas mal.

Mavis Staples - Eyes on The Prize (Live Hope at The Hideout 2008, Anti)






Mavis Staples - Freedom Highway (Live Hope at The Hideout 2008, Anti)






Rick Holmstrom - Tutwiler (Late in The Night 2007, M.C.Records)






Rick Holmstrom - Dig Myself a Hole (Late in The Night 2007, M.C.Records)