16/10/2010

Solomon Burke - No Man Walks Alone (1940-2010)


Comme souvent, on a pu lire tout et n’importe quoi depuis la mort de Solomon Burke dimanche dernier à Amsterdam.
Erreurs discographiques, chronologiques, tentatives, habituelles, de faire passer un mort pour un artiste maudit (« il n’a jamais rencontrer le succès d’un Otis Redding ou d’un Ray Charles ») qu’il n’a jamais été, ce sont tous les mauvais aspects de la « blogosphère » qui se sont rappelés à notre bon souvenir. Trop vite et mal écrit, par n’importe qui le plus souvent, l’important étant bien sûr de créer le « buzz » et d’augmenter considérablement son nombre de visiteurs.
Comme toujours dans pareil cas, on vous conseillera de vous adresser à Dieu plutôt qu’à ses disciples (euh… !). Et Dieu ici s’appelle Peter Guralnick, auteur de la bible « Sweet Soul Music » (aux éditions Allia) qui satisfera largement votre curiosité à propos de celui qu’on appelait le roi du « rock n’soul ».
Solomon Burke donc. Cet énorme bonhomme qu’on aura la plupart du temps vu assis sur un trône était l’un des plus grands chanteurs soul. Le plus grand ? Peu importe. Otis Redding, Sam Cooke, James Brown… il y en a pour tous les goûts.
J’ai fait connaissance avec le roi Solomon en 2002, en achetant Don’t Give Up on Me, le disque qui l’aura vu revenir sur le devant de la scène, grâce au génial Joe Henry et une poignée de chansons taillées à sa (dé)mesure. De celle qui donne son titre à l’album par exemple, une merveille signée du meilleur artisan de l’histoire de la musique soul, Dan Penn, jusqu’à ce qui est peut-être la plus grande chanson jamais chantée par Burke : Flesh and Blood, écrite, tient donc, par Joe Henry lui-même.
Vous remarquerez que le titre le plus connu de Solomon Burke, Everybody needs somebody to love, ne figure pas sur cette sélection. D’abord j’ai toujours détesté cette chanson. Ensuite, dans le corpus de Burke, ce sont ses ballades que je chéri particulièrement. C’est dans celles-ci que ses qualités vocales prennent toute leur ampleur. Une voix à la fois grave et puissante, qui sait pourtant se faire sensuelle, un peu à la manière d’un Bobby Blue Bland en moins rauque, en plus viril. En somme, une voix d’homme qui chante pour les femmes. Vous me direz quoi de surprenant à cela ? Je vous répondrai « pensez-vous que Thom Yorke ou bien l’un ou l’autre de ces chanteurs interchangeables officiant dans les groupes pop actuels s’adressent à cette femme, là-bas, seule au bar ? Evidemment non. Solomon, lui, si.

Parmi mes morceaux favoris, le très court et très classe Then I Want to Come Home sur lequel Burke "croone" au milieu d’une cour féminine, We’re Almost Home, qui fait entendre toute la souplesse de sa voix, ou encore le très moite Midnight and You, extrait de l’explicite et curieux Music To Make Love By, où le chanteur marche royalement sur les platebandes de Barry White.
J’évoquais déjà Flesh and Blood plus haut mais combien de fois ai-je écouté ce morceau où tout est parfait, depuis les musiciens (ceux des sessions du Tiny Voices de Joe Henry, notamment Jay Bellerose à la batterie et Chris Bruce à la guitare) jusqu’aux paroles du songwriter, comme toujours impeccables :

Now, you see a golden light
Because I’ve turned a golden light on,
Sometimes, God knows, you’ve got to
Learn to shine your own.
I step out of darkness
And for a moment I’m only living by your kiss,
And just for now our flesh and blood
Is no more real than this.

Il y a quelques mois sortait Nothing’s Impossible, témoignage de la rencontre entre Burke et le légendaire producteur d’Al Green ou Ann Peebles, Willie Mitchell. Ce dernier s’est éteint au début de l’année, rejoint l’autre jour par son « frère » Solomon.
Généreux, ils prenaient soin de laisser derrière eux une dernière ballade à tomber. « Oh, What a Feeling » est d’un autre temps, quintessence des grandes heures de la soul ou la voix de Burke s’ébroue sur les arrangements de cordes de Mitchell, les mêmes qui faisaient dans les années 60 et 70 les beaux jours de Hi Records.

On quittera finalement Solomon Burke des larmes plein les yeux en l’entendant murmurer Drown in my Own Tears popularisé par Ray Charles.

Vous pouvez désormais baisser la lumière, vous servir à boire, enlacer votre ami(e), le roi Solomon veille sur vous.

Spadee Sam presents – No Man Walks Alone, a Solomon Burke selection



01 – Rose saved from the Street (Hold on Tight, Universal 2010)
02 – Don’t give up on Me (Don’t Give Up On Me, Anti 2002)
03 – Medley : Meet me in Church, The Price, Words, Monologue (Soul Alive, Rounder 1983)
04 – No Man walks Alone (Solomon Burke, Kenwwod 1962)
05 – Can’t Nobody save You (King of Rock N’Soul, Atlantic 1964)
06 – Uptight Good Woman (Proud Mary, Bell 1969)
07 – Then I Want to Come Home (Cool Breeze O.S.T., MGM 1972))
08 – Misty (We’re Almost Home, MGM 1972)
09 – Everlasting Love (Music To Make Love By, Chess 1975)
10 – Midnight and You (Music To Make Love By, Chess 1975)
11 – Don’t Wait Too Long (Proud Mary, Bell 1969 )
12 – After All These Years (Make Do With What You Got, Shout Factory 2005)
13 – Flesh and Blood (Don’t Give Up On Me, Anti 2002)
14 – Keep a Light in The Window (I Wish I Knew, Atlantic 1968)
15 – Oh What a Feeling (Nothing’s Impossible, E1 Entertainment 2010)
16 – We’re Almost Home (We’re Almost Home, MGM 1972)
17 – If I Give My Heart to You (Like a Fire, Shout Factory 2008)
18 – That’s How I Got to Memphis (Nashville, Shout Factory 2006)
19 – Drown In My Own Tears (We’re Almost Home, MGM 1972)