21/02/2011

Plat du Jour 34 - février 2011

Spadee Sam presents - Plat du Jour 34



01 – Charles BradleyThe World (is going up in flames) (No Time for Dreaming, Dunham Records 2011)
02 – Ghostface KillahGhetto (Apollo Kids, Def Jam 2010)
03 – Medeski, Martin and WoodLuz Marina (The Stone Issue Four, Tzadik 2010)
04 – Howe Gelb and Band of GypsiesThe Ballad of Lole y Manuel (Alegrias, Eureka Discos 2010)
05 – Jessica PavoneApril is Over (Army of Strangers, Porter Records 2011)
06 – Black DubI Believe in You (Black Dub, Red Int/Red Ink 2010)
07 – Joan as Police Woman - Run for Love (Deep Field, Pias 2011)
08 – PJ HarveyThe Glorious Land (England, Az 2011)
09 – Giant SandSpell Bound (Blurry Blue Mountain, Fire 2010)
10 – Greg AllmanChecking on my Baby (Low Country Blues, Fantasy Concord 2011)
11 – T-Model Ford and GravelroadLittle Red Rooster (Taledragger, Alive Records 2011)


Dans une période marquée par un revival soul propice aux usurpateurs (Adele, l’effroyable Ben « Oncle Benz-Banana » Soul, Raphael Saadiq, Seal…), le premier disque du vétéran Charles Bradley fait figure d’exception. A soixante ans passée, après une vie de petits boulots au cours de laquelle la musique fut la plupart du temps reléguée aux after-hours, l’un des patrons du label new-yorkais Daptone (Sharon Jones, Sugarman3) le repère dans un club et lui fait enregistrer ce No Time for Dreaming avec les musiciens du Menahan Street Band. Une collection de ballades soul poignantes, une voix qui rappelle celle de Lee Fields sur des arrangements de cuivres aux petits oignons. Rien ici qui relève de la pose forcée en vigueur chez la plupart de ceux qui squattent désormais les rayons soul des grandes surfaces.

On annonce Daniel Lanois producteur du prochain Carla Bruni… On peut préférer son travail avec la fille de l’un des héros maison, le regretté Chris Whitley, même si ce Black Dub manque un peu de folie pour convaincre totalement. Reste que Brian Blade derrière les fûts est un bonheur dont on ne se lasse pas.



Si le dernier PJ Harvey s’écoute sans rechigner, tout ça sent un peu le sapin aujourd’hui.
PJ Harvey, Radiohead, des noms qui sonnent comme des reliques des années 90 et qui ont depuis longtemps cesser de surprendre. Combien de chanteuses, combien de groupes en The ont depuis pris le relais, même si pas forcément pour le meilleur ?
Il y a une dizaine d’années, PJ Harvey donnait un concert à Paris, retransmis, à l’initiative des Inrocks si je me souviens bien, dans une dizaine de bars de province. Arrivé en avance, je buvais une première bière en regardant la première partie du concert. Howe Gelb était sur scène. Je suis donc parti après le premier titre de PJ Harvey. Dix ans plus tard, c’est encore la même histoire. Entre la classe naturelle de l’américain et les hymnes patriotiques un peu lourds de l’anglaise, il n’y a pas photo. Et on passera prochainement un long moment avec le roi de Tucson.

Enfin, je reviendrai plus tard sur le Low Country Blues de Greg Allmann sur lequel officie un batteur dont il faudra bien un de ces jours parler plus longuement.


03/02/2011

"Pas de Chansons d'Amour", Il Mago Vinicio Capossela

Il y a un moment que les disques du chanteur, pianiste, guitariste et écrivain italien Vinicio Capossela squattent quelques unes des meilleures places de ma discothèque. Depuis sa découverte, il y a une dizaine d’années, alors que je me penchais sur les innombrables collaborations du guitariste new-yorkais Marc Ribot.
Que dire d’original sur cet artiste qui l’est vraiment, lui, original. Vous pourrez lire un peu partout qu’il est le « Tom Waits italien ». Si vous êtes sensibles à la musique de ce dernier et que l’Italie reste pour vous source de nombreux fantasmes autres que les orgies dans les sous-sols des palais présidentiels, alors penchez-vous sur sa musique de et emmenez votre compagne – ou compagnon puisque ce blog s’adresse en premier lieu à la gente féminine – le voir et l’écouter le soir de la Saint Valentin à La Cigale à Paris. Et puis cette playlist est faite pour vous.

Spadee Sam presents Con Una Rosa, a Vinicio Capossela selection




01 – Corre Il Soldato (La Canzioni a Manovella, CGD EastWest 2000)
02 – Contrada Chiavicone (Il Ballo di San Vito, CGD 1996)
03 – Bardamu (La Canzioni a Manovella, CGD EastWest 2000)
04 – Brucia Troia (Ovunque Proteggi, Atlantic 2006)
05 – Corvo Toro (Nel niente sotto al sole, Atlantic 2006)
06 – Il Ballo di San Vito (Il Ballo di San Vito, CGD 1996)
07 – Solo Mia (La Canzioni a Manovella, CGD EastWest 2000)
08 – Con una Rosa (Nel niente sotto al sole, Atlantic 2006)
09 – Morna (Il Ballo di San Vito, CGD 1996)
10 – La Faccia della Terra (Solo Show Alive, Atlantic/Warner 2009)
11 – Sante Nicola (Da Solo, Warner 2008)
12 – Nella Pioggia (La Canzioni a Manovella, CGD EastWest 2000)
13 – Lanterne Rosse (Ovunque Proteggi, Atlantic 2006)
14 – Ovunque Proteggi (Ovunque Proteggi, Atlantic 2006)
15 – SS. dei Naufrageti (Ovunque Proteggi, Atlantic 2006)

Né en Allemagne en 1965, Vinicio Capossela publie trois premiers disques au début des années 90 : All’una e trentacinque cerca, Modi et Camera a Sud. Trois disques d'une Amérique fantasmée, réécrite à l’ombre des écrivains de la Beat Generation, de John Fante et de Martin Scorsese mais qui respire aussi d'une certaine nostalgie italienne. Dans les chansons du Vinicio première période, beaucoup de charme et de légèreté. Des disques de chevet pour tout amateur d’espresso restreto et de tomates fraîches mozza aux premiers jours d’été.

Vinicio Capossela - Camera a Sud


En 1996, Vinicio Capossela déchire la carte postale et signe son premier grand disque. Son « Rain Dogs » à lui s’appelle « Il Balo di San Vito ». On y retrouve la guitare acérée de Marc Ribot mais aussi les arrangements d’Evan Lurie, frère du Lounge Lizards John. Le morceau qui donne son nom à l’album annonce tout ce qui va suivre : richesse des arrangements, mythes et légendes italiennes abordées comme un immense conte fantastique, un spectacle total. Et puis il y a Morna ou encore Corvo Torvo, un morceau qui devient incontournable en concert.

Vinicio Capossela - Morna

Après Il Balo san Vito, Capossela peut lâcher la bride. Quatre ans plus tard, il revient avec La Canzioni di Manovella, peut-être son plus grand disque, mon préféré en tout cas.
Bardamu pour commencer. L.F.Céline bien sûr, et c’est déjà ça, mais un soir d’été, un soir de fête foraine, avec feu d’artifice et tutti quanti. Tout le disque est du même tonneau. Excessif, théâtrale, alcoolisé et donc souvent émouvant (Solo Mia). Comment résister à Con una Rosa, à Nella Pioggia ?
Vinicio Capossela - Bardamu

Un best of et six ans plus tard, Capossela est de retour avec Ovunque Proteggi. Partiellement enregistré au fond d’une grotte, c’est, selon son auteur, un retour à la mythologie, à la terre, au minéral. Marc Ribot est toujours là mais le jeune Alessandro « Asso » Stefana prend de plus en plus d’importance. En entrée, Non Trattare s’affirme au fur et à mesure des écoutes. Mais il n’en faut qu’une pour succomber au terrifiant Brucia Troi. Sur scène, Capossela interprète ce titre affublé d’un effrayant masque de minautore.

Vinicio Capossela - Brucia Troia


Sur Ovunque Proteggi, on entend également un hymne qu'il faut avoir vécu dans un bar bondé d’italiens, le Cha Cha Cha d’une méduse ou bien encore une scie mexicaine qui conte les peines de l’âme (entendu quelques années auparavant chez Los Lobos). Mais surtout quelques titres cinématographiques à savourer tard la nuit et, sur un décalque du Requiem de Mozart, le récit poignant d’un naufrage à vous glacer le sang.
A la sortie du disque, Capossela entreprend une grande tournée au cours de laquelle il laisse libre cours à tous ses délires : masques de méduse ou de corbeaux, techno balkanique (pas ma partie préférée), ambiance à la Morricone (la chute de Signora Luna annonce le trio Guano Padano du guitariste Alessandro Asso Stefana et un très bon dissque paru il y a quelques mois) et communions latino-américaine (Pena del Alma, L’Uomo Vivo) témoignent, sur Nel Niente Sotto il Sole, de cette série de concerts.
Guano Padano with Vinicio Capossela - Signora Luna

A peine cette dernière terminée, Capossela enchaîne avec Da Solo. Une autre période s’ouvre. Celle du cirque, d’une Amérique d’un autre siècle, celle de la série Carnivale. Enregistré entre l’Italie, New York et Tucson, Da Solo ne contient pas les meilleures chansons de l’italien et pourra paraître un peu hermétique à qui ne maîtrise pas la langue. Mais en concert…Un géant à l’entrée, une charmante cracheuse de feu, un intermède au milieu du concert pour quelques tours de magie, des échassiers au milieu du public… Et la musique : des arrangements aux petits oignons, cuivres et theremin, morceaux parlés, chantés, racontés comme une grande histoire captivante qu'on aimerait sans fin.
Le Solo Show Alive paraît en CD/DVD et capture la folie de cette série de concerts conçus comme les attractions foraines du début du XXème siécle.

Vinicio Capossela - Dall'atra Parte della Sera


On y perd beaucoup évidemment mais on peut tout à fait se plonger dans l’univers de Vinicio Capossela sans comprendre un mot d’italien. Surtout, courrez le voir en concert, ça vaut le détour.