Le
Baby Loves Jazz Band est un projet plutôt drôle puisqu’il s’agit de reprendre des chansons populaires pour enfants en version jazz. Sans se prendre le moins du monde au sérieux, le trompettiste
Steven Bernstein (Sex Mob, Millenium Territory Orchestra) réunissait autour de lui en 2006 le saxophoniste
Briggan Krauss (Sex Mob), le claviériste
John Medeski (Medeski, Martin and Wood), le batteur
Ben Perowsky (John Zorn, Dave Douglas), les contrebassistes
Brad Jones (Marc Ribot Cubanos Postizos, Ornette Coleman), et
Lennie Plaxico (Cassandra Wilson, Chet Baker), ainsi que les chanteurs
Babi Floyd (Rolling Stones) et l’excellente
Sharon Jones.
Working on The Railroad,
Old MacDonald,
Ten Little Monkeys ou
You Are My Sunshine sont ainsi réinterprétés, et l’album comporte une dizaine d’interludes musicaux explicatifs sur les différents instruments (la trompette, le piano, la batterie, etc). Les enfants qui fêtent leur anniversaire avec
Go Baby Go dans la platine ont bien de la chance.
Trois albums issus du label Fania, le label essentiel du latin jazz des années 60 à 80.
Blackout, du pianiste
Monguito Santamaria, fils de l’immense percussionniste cubain
Mongo Santamaria, est un très bon disque. Si les morceaux en espagnol sont assez classiques, ceux, au nombre de quatre, chantés en anglais par
Ronnie Marks sont excellents et ravissent les collectionneurs de morceaux latin jazz chantés en anglais dont on fait partie.
Si c'est également votre cas, pensez à jeter une oreille sur le
I Need Her, a Latin Jazz Mix, en écoute sur le
myspace de Spadee Sam, avec entre autres
Chollo Rivera et
Joe Bataan.
La Voz, paru en 1975, est le premier album sous son nom du grand chanteur
Hector Lavoe, qui survole ce disque magnifique. La salsa à son sommet (arrangements de
Willie Colon et
Louie Ramirez,
Ruben Blades aux chœurs), avec en final le génial
Mi Gente, et des boléros à tomber, comme ce superbe
Tus Ojos.
On notera que
Milton Cardona, dont on avait parlé lors de l’article sur
Kip Hanrahan dont il est un proche, est crédité aux congas.
Le troisième album Fania acheté ces jours-ci est
They Call Me La Lupe.
La Lupe est probablement la plus grande gueuleuse de l’histoire de la musique. Mais c’est aussi l’une des plus grandes interprètes de boleros, du genre à vous donner la chair de poule à chaque morceau. C’est encore le cas ici avec
El Preso Numero Nueve,
Pensando en Ti et
Alivio, qui cohabitent avec les plus casse-gueules
El Cascabel,
l’America de
West Side Story et la reprise du
Dominique de
Sœur Sourire !
La Lupe, c’est aussi ces Oy brûlants comme une après-midi cubaine en plein soleil.
On évoquait
Roy Orbison en retraçant la carrière de
T-Bone Burnett.
Lonely and Blue, paru en 1960, est la quintessence du style d’
Orbison, soit des ballades romantiques enrobées de cordes, au-dessus desquelles plane l’incroyable voix du chanteur, l’une des plus exceptionnelles de la musique populaire. Oh Happy Days !
Roy Orbison est cité par
Bruce Springsteen sur le morceau
Thunder Road (as the radio plays Roy Orbison singing for the lonely). On en avait déjà parlé il y a de cela plusieurs mois mais le live à Dublin de
Springsteen et son « sessions band » est l’un des meilleurs disques, si ce n’est le meilleur, du boss. La version
d’Atlantic City qui ouvre l’album est exceptionnelle et plusieurs autres morceaux sont du même niveau. Les musiciens sont excellents, on peut entendre
Mark Anthony Thompson sur
Eyes on The Prize et ce très beau
Further On (Up The Road) ainsi que le superbe violon de
Sam Bardfeld.
On retrouve ce dernier sur un autre disque essentiel, paru en 2006 sur le label Aum Fidelity.
Sotto Voce, du saxophoniste
Roy Nathanson est l’un des meilleurs projets de ces dernières années. Autour de lui,
Sam Bardfeld donc au violon,
Curtis Fowlkes au trombone,
Tim Kiah à la contrebasse et
Napoleon Maddox, que vous connaissez bien si vous lisez ce blog de temps à autres, à la « boîte à rythme humaine ». Ce dernier assure donc la partie rythmique, et
Nathanson est aussi génial au saxophone que sur les parties vocales. Qui peut encore reprendre
Sunny sans tomber dans le ridicule ?
Maddox, lui, chante même sur
Sunrise, Sunset, un morceau dont on laissera quand même la version définitive à
Claudine Longet…
On ne s’étendra pas sur
Marvin Gaye et son
I Want You produit par
Leon Ware, autre grand sentimental, l’un des sommets de la musique soul, comme le sont la plupart des disques de
Marvin Gaye. Disons juste que sur la version Deluxe se trouve I
Wanna Be Where You Are (After The Dance), et cela devrait être suffisant pour vous convaincre d’acquérir ce disque.
Enfin,
Around The World in a Day, la cuvée 1985 de
Prince. Pas son plus grand disque, c’est sûr, la production d’époque fait souffrir. Mais rien que pour
Raspberry Beret, difficile de regretter l’achat. On parle rarement de ce qui fait la force de
Prince, et qui pourrait être le dénominateur commun des plus grands de la musique populaire. Oui, comme chez
Debussy ou
Dylan, ce qui fait la différence, c’est le sens du rythme, du phrasé, une manière de tisser d'incroyables lignes mélodiques. Il y a chez ces musiciens la même façon de partir dans une phrase et de retomber naturellement au moment parfait. Ecoutez le deuxième couplet de
Raspberry Beret et vous entendrez
Dylan dans la voix et dans le rythme (If I planned 2 do her any harm). Cette perfection dans le rythme de la mélodie, on la retrouve à maintes reprises chez
Prince, par exemple sur
Joy in Repetition. On lui consacrera bientôt plus de temps.
En bonus, le premier DVD sur
Tim Buckley,
My Fleeting House, sorti chez Manifesto. Autant dire que si vous aimez la musique, il faut vous précipitez sur l’occasion de voir rassembler toutes les images de
Tim Buckley en concert.
Tim Buckley est l’un des plus grands génies de la musique du XXème siècle. Alors que l’on en fait des tonnes sur
Zappa, on parle beaucoup moins du père de Jeff, qui a pourtant en moins d'une dizaine d'années repoussé toutes les limites. Chanteur fabuleux et bien moins agaçant que son fils, extraordinaire musicien, on peut voir sur ce documentaire l’évolution de son style depuis le folk des débuts jusqu’au funk salace des derniers jours, en passant par le free jazz. On peut penser que
Tim Buckley est l’un des plus grands chanteurs de jazz.
Et puis il y a ce moment surréaliste où
Buckley, assis sur l’un des fauteuils de l'émission de
Steve Allen après avoir chanté
Morning Glory, semble perdu et affligé par la conversation entre le présentateur et l’une des invités qui lui parle de… sa coupe de cheveux !